Sur la ligne A du RER, la plus fréquentée au monde, les incidents sont quotidiens

Publié le par Grand Paris

PRESSE
LE MONDE | 16.02.09


La ligne A du RER fête cette année ses 40 ans. Avec à la clé, un double record : celui de la ligne la plus fréquentée au monde (286 millions de voyageurs en 2007), mais aussi celui du taux de dysfonctionnements le plus élevé de toutes les lignes de RER. Une soixantaine d'élus des communes situées le long de cette ligne qui traverse Paris d'ouest en est, exaspérés, viennent de rendre public un livre blanc des problèmes recensés sur le RER A.

Le constat qu'ils dressent a un air de déjà entendu : retards quotidiens, rames surchargées en dépit d'une augmentation de leurs fréquences, trains supprimés sans explication, peu ou pas d'informations en cas de problème, matériels obsolètes, mal entretenus et peu confortables.

Les usagers qui empruntent quotidiennement cette ligne sont partagés entre colère et résignation. "Rien ne va plus, lance, désarmé, Thierry, qui emprunte quotidiennement cette ligne depuis vingt ans entre Cergy-le-Haut (Val-d'Oise) et Châtelet (Paris), désarmé devant le "je m'enfichisme de ceux qui exploitent la ligne". Dans la semaine du 2 février, " (s) on train" de 5 h 41 a connu quatre problèmes. "Bien sûr, reconnaît-il, ce n'est jamais grave. Mais il y en a marre des trains supprimés sans raison, deux cette semaine, des retards au départ non justifiés, des rames courtes quand on attend des longues. C'est la notion même de service qui est bafouée."

Le constat des voyageurs et des élus est partagé par les deux exploitants de cette ligne, la SNCF, pour la partie entre Cergy, Poissy et Nanterre, et la RATP pour la plus grande partie du réseau. Guillaume Pepy, le patron de la SNCF, l'admet : "Les trains de la vie quotidienne sont ma priorité, mais il faut le reconnaître, nous ne donnons pas la qualité de service que l'on attend."

Quant à la RATP, consciente de la situation, elle a lancé en avril 2008, sous la houlette de Pierre Mongin, son président, un plan d'amélioration à court, moyen et long terme dont les effets tardent néanmoins à se faire sentir. Le Stif, l'autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, ne cesse, pour sa part, de "monter au créneau".Jean-Paul Huchon, son président et par ailleurs président du conseil régional d'Ile-de-France, a tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises. Mi-janvier, il a encore pressé l'Etat de se prononcer sur les 6 milliards d'euros que lui demande la région pour financer le plan de modernisation des transports, qui devrait coûter au total 18 milliards d'euros.

Certains veulent quand même croire, comme Yves Boutry, vice-président de l'Association des utilisateurs de transport (AUT), que le service s'améliore. Selon lui, il y aurait en ce "début d'année 2009 un peu moins de perturbations qu'à la fin de l'année dernière". M. Boutry pense ainsi que la mise en place d'une rame de secours à la station Nation, qui prend le relais en cas d'incident ou de panne, réduit l'impact du dysfonctionnement. Mais il est catégorique : "Si la fréquence des trains a été augmentée aux heures creuses, la période noire reste l'heure de pointe."

D'autres, comme Emmanuel Lamy, maire UMP de Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) et l'un des élus à l'origine de la rédaction du livre blanc, n'y croit plus du tout. "Il n'y a pas d'amélioration. Cette ligne frôle quotidiennement la crise de nerfs quand elle ne l'atteint pas ! Il n'y a plus un seul jour sans incident", tonne-t-il. Son jugement est sans concession : "Bien sûr, admet-il, un effort a été fait sur les fréquences. Mais ni le matériel ni l'information des voyageurs ne suivent. On a paré au plus pressé en traitant l'urgent sans voir ce qu'il y avait autour. C'est normal qu'aujourd'hui ça nous pète à la figure !"

Pour le maire de Saint-Germain, les responsables sont identifiés. "C'est évidemment la faute de la RATP, de la SNCF, du Stif et de la région. Personne n'a pris la mesure des besoins, et on s'est réveillé avec la nécessité de prendre en compte les lignes de banlieue à banlieue et le maillage entre les différents RER !" M. Lamy a pris un rendez-vous commun avec la SNCF et la RATP. "Je veux un calendrier et un financement. Terminées les déclarations d'intention", martèle-t-il.

La RATP, principal exploitant de la ligne, se retranche derrière l'augmentation du nombre de passagers et dit gérer la situation comme elle le peut. "Depuis dix ans, nous assistons à une croissance permanente de la demande", reconnaît Yves Ramette, directeur général adjoint en charge des transports. Selon les chiffres de la RATP, en 2003, il y a eu sept journées où le trafic a dépassé un million de voyageurs. En 2008, ce chiffre est monté à 175 journées. Cela signifie que deux jours sur trois, si l'on ne tient pas compte des périodes de vacances, la ligne A transporte plus d'un million de voyageurs.

Dès lors, il n'y aurait plus aucune marge pour récupérer des retards potentiels dus aux arrêts plus longs dans les stations, l'existence de paquets suspects ou encore des malaises de voyageurs. "Quand tout va bien, ça passe, quand il y a le moindre problème, ça coince. Il faut se rendre à l'évidence : depuis février 2008, l'exploitation est à flux tendu. Le voyageur a davantage de trains à sa disposition et tant mieux pour lui, mais, en contrepartie, le risque d'être pénalisé par cette offre tendue est plus grand", admet M. Ramette.

Toutefois, la RATP compte beaucoup sur de nouveaux matériels pour améliorer les choses. Elle devrait accroître le nombre de ses rames à deux niveaux qui ont une capacité d'emport (nombre de voyageurs transportés) de 30 % supplémentaires. "Mais il y a une grande probabilité que nous soyons rattrapés par le trafic en 2020 ou 2025", pronostique M. Ramette. Selon lui, seuls le prolongement d'Eole (ligne 14 du métro) à l'ouest à la Défense et la réalisation de Métrophérique-Arc Express - la rocade reliant la banlieue est à la banlieue ouest sans passer par Paris - seraient susceptibles de désaturer durablement la ligne du RER A.

François Bostnavaron

Publié dans Transports

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article