N'ayons pas peur !, par Maurice Leroy

Publié le par Grand Paris

TRIBUNE LIBRE
Point de vue
LE MONDE | 06.03.09

Maurice Leroy est président (Nouveau Centre) du conseil général et député du Loir-et-Cher.

Rarement rapport, avant même d'avoir été publié, aura alimenté autant de commentaires. Les conclusions du comité Balladur sur la réforme des collectivités territoriales remises le 5 mars à Nicolas Sarkozy ont déjà remporté un premier succès : avant d'avoir lu, chacun avait son avis sur la question ! Tant d'intérêt est encourageant et démontre que le sujet est d'actualité. Tant de passion révèle aussi que les conservatismes sont bien là.

Ainsi, choisissant la voie du rejet en bloc, la direction du PS manifeste une opposition aussi dérisoire sur la forme qu'elle est faible sur le fond. Elle prête au chef de l'Etat la seule intention de vouloir casser le département et démembrer les régions afin d'empêcher la gauche de conserver la majorité qu'elle détient dans 20 régions sur 22 et dans 58 départements sur 100. Les arrière-pensées ne sont-elles pas plutôt le fait d'élus accrochés à leur siège et qui illustrent l'adage selon lequel "on prend toujours les idées de son fauteuil !" ? M. Rocard a raison de dire "qu'une opposition systématique est une opposition inaudible".

Les sujets traités par le comité Balladur méritent mieux qu'un débat médiocre, habillé de vertus républicaines ou de défense des identités culturelles. De quoi s'agit-il ? D'une chance historique qui nous est donnée de revoir notre organisation territoriale pour en faire un levier de dynamisme économique, de justice sociale et d'équilibre des territoires. Pour donner du sens, de l'efficacité et de la puissance à l'action de nos collectivités territoriales. L'ambition de la réforme est de clarifier et de simplifier. Faire évoluer l'organisation territoriale pour mettre un terme à la confusion des compétences, aux dysfonctionnements et aux gaspillages financiers. Tout le monde reconnaît l'inefficacité et les gâchis du système, que plus personne ne comprend, pas même les élus locaux. La réalité, c'est que chaque strate de la lasagne territoriale s'implique dans des missions dévolues aux autres, sans cohérence et dans un esprit de concurrence stérile.

 

SORTONS DES CORPORATISMES

 

Ainsi, intercommunalités et départements empiètent-ils sur les compétences "légales" des régions, telles que l'aménagement du territoire, le développement économique ou l'action culturelle, sans parler du tourisme ! Un seul exemple : l'économie est une compétence obligatoire des régions, mais aussi des intercommunalités. Sans compter les conseils généraux qui peuvent s'y intéresser, que de confusions ! Et il y a bien d'autres exemples.

Nous devons gagner en cohérence politique et en efficacité de la dépense publique. Elus locaux, nous en sommes comptables devant les citoyens. La tâche est immense et doit être guidée par quelques idées simples. Celles-ci sont sur la table : des régions moins nombreuses et plus fortes, parce que de taille à se mesurer aux autres régions d'Europe. L'institution de conseillers territoriaux se substituant aux actuels conseillers régionaux et généraux, dont le nombre serait réduit d'un tiers. La création de grandes métropoles dotées de moyens nouveaux. Le renforcement de l'intercommunalité. Un statut nouveau adapté à Paris et aux départements de la petite couronne. Ces pistes de travail ont le mérite de lever les tabous et de formuler des propositions constructives et innovantes. Renforçons les couples communes-intercommunalités et régions-départements. Ayons le courage politique de le faire !

Conformément au souhait du président de la République, les propositions du comité Balladur feront l'objet dans les mois à venir d'une vaste concertation, avant tout examen au Parlement. Discuter les modalités de la réforme, c'est l'essence même du débat démocratique et cela prendra du temps. Des arbitrages douloureux devront être faits, qui ne manqueront pas de susciter des luttes d'influences âpres. La question de la fiscalité locale ne devra pas être éludée. La nécessité du débat ne doit pas tuer l'impératif de la réforme. Souhaitons que ni l'idéologie ni les réflexes identitaires ou la défense de privilèges catégoriels n'entravent la marche engagée. Sortons enfin des corporatismes ! Il est temps de changer. Osons adapter nos territoires à la réalité en faisant notre révolution. Tranquilles et déterminés, n'ayons pas peur !


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