N. Sarkozy veut un Grand Paris

Publié le par Grand Paris

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LIBERATION - QUOTIDIEN : jeudi 28 juin 2007

Nouveau tour de piste pour le «Grand Paris»

En visite à Roissy, le Président a relancé l'idée d'une structure intercommunale en Ile-de-France.

Par Tonino SERAFINI


Nicolas Sarkozy n'est pas du genre à faire un déplacement à Roissy juste pour couper un ruban en guise d'inauguration d'une nouvelle aérogare. En se rendant mardi dans cet aéroport, infrastructure emblématique de la région parisienne, le chef de l'Etat avait manifestement une autre idée en tête : remettre en cause, bousculer l' «organisation des pouvoirs publics» en Ile-de-France. «Paris est la seule agglomération de France à ne pas avoir de communauté urbaine», a regretté le président de la République. Sous-entendu : il n'existe pas de structure intercommunale englobant la ville centre et sa périphérie et permettant de traiter, au coeur d'une agglomération de 11 millions d'habitants, des questions telles que le logement, la circulation ou le développement économique. Le sujet n'est pas nouveau.


L'idée d'un Grand Paris englobant la capitale et les communes alentour dans un rayon très variable refait régulièrement surface. Dès son arrivée aux manettes en 2001, le maire (PS) de Paris, Bertrand Delanoë, a engagé une politique des petits pas pour tisser des liens, parfois des partenariats, avec les collectivités territoriales situées de l'autre côté du périphérique. Jusque-là, la capitale vivait dans un splendide isolement : 29 communes et 3 départements touchent Paris, mais c'était chacun chez soi. «Il y a des maires de communes proches les unes des autres qui ne s'étaient jamais rencontrés», relate Pierre Mansat, adjoint (PCF) au maire de Paris, organisateur en 2006 de la première «conférence métropolitaine». Opérationnelle depuis un an, elle est un lieu d'échange auquel sont conviés les élus locaux toutes étiquettes confondues. Rien d'institutionnel. Rien qui préfigure une quelconque intercommunalité.

Mais, sous couvert de débats thématiques, la question de la création d'une «communauté d'agglomération» ou d'un «Grand Paris» plane en filigrane sur les débats. Au point que cette «conférence» s'est attiré les foudres du président (PS) du conseil régional, Jean-Paul Huchon, qui «redoute de voir émerger au coeur de l'Ile-de-France une collectivité qui concentrerait l'essentiel de la richesse et qui serait politiquement très puissante», décrypte un élu parisien. A contrario, la ville de Paris, aimerait, elle, se redonner un peu d'air en élargissant son périmètre par le biais de l'intercommunalité. D'où des différences de tonalité notables dans les réactions au chantier du «Grand Paris», ouvert par l'inépuisable Sarkozy. «La municipalité parisienne est disponible pour participer à une telle réflexion», indiquait hier Delanoë, se contentant de demander d'y «associer l'ensemble des collectivités de l'agglomération». Ce qui est la moindre des choses.

A contrario, Huchon demandait, lui, «des éclaircissements», agitant le spectre du «retour d'une conception jacobine d'un autre temps». Pour des raisons de fond, cette fois, Patrick Braouezec, président (PCF) de la communauté d'agglomération Plaine Commune, se dit opposé à la perspective d'un Grand Paris. Lui est favorable à une «polycentralité». C'est-à-dire à une organisation territoriale du coeur de l'Ile-de-France autour des cinq pôles économiques structurants, La Plaine-Saint-Denis, la Défense, Marne-la-Vallée, etc.

 

Le Grand Paris de Sarkozy

En inaugurant l'aéroport de Roissy 3 le 27 juin dernier, Nicolas Sarozy a plaidé la cause d'un Grand-Paris. Une petite révolution lancée au sommet de l'Etat ! Cela fait plus de 20 ans, en effet, que se pose la question de la pertinence des limites actuelles de la capitale sans qu'aucun politique n'ose y répondre, de peur d'affronter les intérêts de quelques factions électorales et féodalités municipales. Des années de silence durant lesquelles se sont accélérées les fractures urbaines et sociologiques, sous l'effet néfaste de cette machine à exclure qu'est devenue Paris, l'une des plus petites capitales au monde. Des années d'impuissance publique et de résignation. Grand défenseur de ce projet d'intérêt général, Le Perroquet se réjouit d'un tel discours, qu'il reproduit en partie pour ses lecteurs.


Allocution de M. Nicolas SARKOZY, Président de la République, à l'occasion de l'inauguration du Satellite n°3 de Roissy Charles-de-Gaulle. Mardi 26 juin 2007
Le Grand Paris de Sarkozy
Mesdames et Messieurs,

(…) Je voudrais revenir à la région où nous sommes aujourd'hui. Toute ma vie, j'ai été élu de cette région- un endroit où l'on peut démontrer ce que signifie l'aménagement durable, c'est bien l'Ile-de-France. Mais l'Ile-de-France elle a connu à l'époque du Général de GAULLE une ambition extraordinaire : cet aéroport en est le témoignage et son nom un hommage mérité. En l'espace de très peu d'années le Général de GAULLE, sous l'impulsion de Paul DELOUVRIER, excusez du peu, a lancé les villes nouvelles, le redécoupage départemental, la création du schéma directeur, le réseau express régional - le RER, pour ceux qui auraient oublié son nom - Voilà ce qu'ils ont fait nos prédécesseurs. Voilà ce qu'ils ont bougé nos prédécesseurs ! Alors là, on me dit : "mon Dieu, vous prenez beaucoup d'initiatives". Mais moi, je trouve que je n'en prends pas assez. Quand vous voyez ce que nos prédécesseurs ont fait, on n'est pas simplement là pour gérer à la petite semaine. On n'est pas simplement là pour faire des équilibres du mois. On est là pour penser à notre pays, à vingt ans, à trente ans, à quarante ans.

Nous vivons encore aujourd'hui en 2007 sous l'impulsion du Général de GAULLE et de Paul DELOUVRIER qui ont structuré de manière très profonde cette région. Mais la meilleure manière d'être fidèle à cet héritage doit être de penser à notre tour à ce que doit être l'aménagement de l'Ile-de-France pour répondre à d'autres défis. C'est une mission qui revient bien sûr au conseil régional, qui n'a plus la même place en 2007 qu'en 1965. Mais l'État peut-il se priver d'avoir un projet, une stratégie pour la région économiquement la plus puissante d'Europe, qui produit 28% de la richesse nationale de notre pays ? Je ne le pense pas.

Je vois en somme deux grands enjeux pour l'Ile-de-France en 2007 : la cohésion et la croissance.

Retrouver la cohésion, c'est simplement reconstruire une ville équilibrée à partir d'une agglomération en voie d'éclatement. L'éclatement ce sont ces familles qui vont habiter à une heure et demie de voiture parce que le logement est trop cher. L'éclatement ce sont ces quartiers qui ne sont reliés au monde que par un bus qui passe tous les quarts d'heure quand il ne se fait pas caillasser. L'éclatement ce sont ces artères démesurées qui libèrent les voitures mais enferment les riverains.

Aux origines de cette agglomération, lorsque Paris s'est constitué, les choses se sont faites différemment. Le mur de CHARLES V est devenu les grands Boulevards, le mur des Fermiers généraux est devenu le boulevard Saint-Jacques et l'avenue Kléber, les fortifications de Thiers les boulevards des maréchaux. On ne créait pas seulement des rocades, mais des places, des carrefours. Mais un fois le Périphérique construit, et franchi, cette ambition, perdue, dans un autre monde.

Je crois qu'il faut la retrouver. Retrouver l'esprit du préfet HAUSSMANN dans le Paris de 1860 et de Pierre-Charles L'ENFANT dans le Washington de 1800. Plutôt que de vouloir comme ALPHONSE ALLAIS construire les villes à la campagne, pourquoi ne pas construire une vraie ville dans nos banlieues ? Elles ne manquent pas de l'espace nécessaire, mais de volonté politique et d'une vision coordonnée de l'organisation urbaine, appuyée sur les pouvoirs nécessaires pour la mettre en œuvre. Pour ne pas toujours construire des logements sociaux là où il y a déjà des logements sociaux. Pour ne pas faire passer systématiquement l'intérêt de chaque commune avant celui d'une métropole, -excusez du peu-, peuplée de 11 millions d'habitants.

Pour développer une vision globale d'aménagement pour la Seine-Saint-Denis, si proche d'ici, mais si isolée du reste de la communauté nationale par ses difficultés exceptionnelles.

Il faut aussi une ambition de croissance. Quand j'étais ministre de l'Aménagement du Territoire, je n'ai jamais voulu mélanger l'ambition essentielle de créer des métropoles fortes en province, et l'ambition inavouable de provincialiser l'Île-de-France. Il n'y aura pas de France forte et ambitieuse si l'Île-de-France se recroqueville sur elle-même. Si elle renonce à construire les plus hautes tours d'Europe. Si elle renonce à attirer les meilleurs chercheurs du monde. Si elle renonce à son ambition d'être une place financière de premier plan. C'est quand même curieux que la grande place financière d'Europe soit Londres où ils n'ont pas d'euros ! C'est curieux ! On a fait l'Europe pour être au cœur de la vie financière et monétaire et non pas pour en être exclus. Les grandes villes de province ont pris un élan démographique, économique, culturel extraordinaire ces dernières années. Je ne vois pas de honte à ce que la métropole parisienne les imite. Mais j'en verrais une à ce qu'elle se laisse distancer par Shanghai, par Londres ou par Dubaï.

Pour finir et pour avancer, j'identifie quatre leviers de changement.

D'abord les infrastructures. Construisons enfin des transports en commun circulaires, comme le projet Métrophérique qui reliera tous les terminaux des lignes de métro. Construisons Charles-de-Gaulle Express. Engageons d'autres projets ambitieux et efficaces. Un pays qui n'a plus de projets est un pays qui n'a pas d'ambition. C'est donc un pays qui n'a pas d'avenir. On va retrouver des grands projets et on va mobiliser les synergies nationales au service de ces grands projets. Cela me semble plus ambitieux et plus important que de raisonner sur la carte orange gratuite pour nos compatriotes qui sont au RMI. Il vaut mieux investir pour qu'ils aient un emploi, qu'ils quittent le RMI plutôt que de les enserrer dans une politique d'assistance. Parce que, lorsque l'on est au RMI, même lorsque l'on a le transport gratuit, on n'est pas très heureux.

Deuxième levier de changement, c'est l'urbanisme. J'en ai parlé. La densité de logement des maisons de ville est la même que celle des barres. Pourquoi se contenter de faire un échangeur alors qu'on pourrait faire une place ? La question de la mobilisation du foncier, des choix en matière de logement est centrale. Je me suis toujours demandé pourquoi en centre-ville, il y avait encore des maisons particulières et dans les villes nouvelles, il y avait des tours. C'est plutôt l'inverse. L'habitat collectif en centre-ville. L'habitat individuel, en périphérie de nos villes. Il faut que l'on repense la ville.

(…)

Il faut enfin l'organisation des pouvoirs. Enfin, Paris est la seule agglomération de France à ne pas avoir de communauté urbaine. Alors qu'elle est la plus grande et la plus stratégique des régions, l'intercommunalité y crée des périmètres sans substance réelle. Quant aux départements, qui peut comparer le rôle d'un département de petite couronne et celui d'un département rural, mais ils ont les mêmes pouvoirs, la même fiscalité, la même structure ?

Tout ceci forme un champ de réflexion immense, mais indispensable. Je ne souhaite pas qu'on adopte un nouveau schéma directeur de la région Île-de-France avant d'être allé au bout de ces questions et d'avoir défini une stratégie efficace. Une stratégie, ce n'est pas un gros mot. Je propose donc que l'ensemble des administrations concernées soient mobilisées dès l'automne 2007 sous l'œil attentif du Gouvernement pour préparer les propositions d'actions nécessaires dans les champs que je viens d'évoquer, et qu'un comité interministériel d'aménagement du territoire dédié à l'Île-de-France se tienne fin 2008 pour adopter ce nouveau plan stratégique et le schéma directeur correspondant, ainsi que les textes législatifs et réglementaires nécessaires. C'est curieux de résonner en terme d'aménagement du territoire pour les autres régions que pour la première région de France où vivent presque 12 millions de personnes.

(…)

Je voudrais vous dire que vous avez compris que j'ai une grande ambition pour notre pays. Parce que j'ai le sentiment que la France peut, à nouveau, étonner le monde. C'est bien de cela dont il s'agit. Nous sommes un pays qui a une longue histoire. Mais ils nous manquaient un peu d'énergie, un peu d'enthousiasme, un peu d'espérance. Les peuples qui ont de l'enthousiasme et de l'énergie peuvent bâtir de grandes choses. Durant ces cinq années, on va faire de grands projets pour une raison, c'est que la France et les Français le méritent.

Je vous remercie.

Publié dans Actualité Grand Paris

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