Pour une "région capitale", par V. Pécresse

Publié le par Grand Paris

TRIBUNE LIBRE

LE MONDE | 24.11.08


Valérie Pécresse est ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, conseillère régionale (UMP) d'Ile-de-France.


En mars, le président de la République a ouvert le chantier du Grand Paris. Il était temps ! Notre région capitale, la plus grande d'Europe et depuis des siècles l'une des plus attractives, souffre d'un grave immobilisme.

Or, derrière les institutions locales de l'Ile-de-France, villes, intercommunalités, départements, région, ce sont nos emplois, notre lien social, notre liberté d'aller et venir qui pâtissent de l'enchevêtrement des compétences, de la complexité des processus de concertation et finalement d'une incapacité chronique à décider.

Il y a, bien sûr, l'évidence d'un Paris tantôt refermé, tantôt enserré, à l'intérieur du périphérique. Paris, ville-monde, tend trop souvent à oublier ce qu'elle doit de prospérité et d'échanges aux communes et aux départements qui l'entourent.

Désormais la frontière de la grande ceinture est de moins en moins acceptée par les habitants des communes voisines de la petite ou de la grande couronne. Ils réclament la même qualité, les mêmes tarifs, la même disponibilité de services publics que dans la ville-centre. Ils souhaitent voir se nouer des partenariats étroits entre Paris et les communes qui l'entourent.

Mais, aujourd'hui, réduire l'enjeu du Grand Paris au seul objectif de rapprocher la capitale des villes de la petite couronne nous ferait manquer l'essentiel ! C'est à l'échelon régional que se joue le défi de la construction du Grand Paris.

Chaque jour des millions de Franciliens traversent la région pour aller de leur domicile à leur lieu de travail. Quelque quatre-vingts minutes de transport en moyenne. Ce casse-tête quotidien est au centre de toutes les préoccupations métropolitaines du monde, car s'il constitue une nécessité pour le développement économique, il génère des problèmes environnementaux et de qualité de vie.

Le Grand Paris ne peut pas se permettre les thromboses que connaissent certaines agglomérations comme Tokyo, ni la pollution des capitales de certains pays émergents... Or, ces questions nécessitent une approche globale, avec une collectivité clairement érigée en responsable, dotée d'instruments d'action efficaces et engagée dans une coopération fructueuse avec l'Etat.

N'oublions pas qu'en Ile-de-France de nombreuses décisions sont davantage d'intérêt national que régional : c'est le cas du développement des aéroports de Roissy ou d'Orly, de la création de pôles universitaires comme celui du plateau de Saclay ou du Quartier latin. Mais aujourd'hui le partage des compétences entre les différents échelons de collectivités, et la concurrence particulièrement vive en matière de transport, d'éducation ou d'action économique deviennent un puissant facteur d'inefficacité.

La Cour des comptes estimait ainsi en 2007 que les dispositifs d'aide au développement économique sont "éclatés, complexes et peu coordonnés", et qu'ainsi les structures doublent, les dépenses croissent, la compétitivité des entreprises s'affaiblit car elles consacrent des moyens importants pour négocier avec une multitude d'acteurs... sans oublier l'inflation des effectifs des administrations locales, qui viennent instruire les dossiers des collectivités de moins en moins réactives et responsables.

L'enchevêtrement des compétences entre collectivités n'est plus supportable par le citoyen, et en Ile-de-France moins encore qu'ailleurs, compte tenu de sa taille. Cette situation politique a un coût car la confusion éloigne le citoyen de la démarche locale. Et le résultat, c'est l'abstention aux cantonales comme aux régionales. Or le Grand Paris ne doit pas être une affaire de spécialistes, faite d'expertises et de concertations de plus en plus complexes. Pire encore, le Grand Paris ne doit pas devenir un échelon de décision supplémentaire, ajoutant un élément de complexité à un mille-feuille déjà indigeste.

Tout serait plus simple si nous partions de l'hypothèse que le Grand Paris n'est autre que la région Ile-de-France. Une région dont les compétences seraient clarifiées et exclusives tant en matière de développement économique que de transports, de formation et d'éducation. Une région qui s'inspirerait pour définir son rôle de compétences dévolues à ses voisins européens.

Une région dont les élus ne seraient plus fragilisés au plan démocratique par le recours au soutien de liste qui les éloigne de leurs concitoyens. Une région personne morale devant l'impôt dans laquelle huit départements se rassembleraient pour décider ensemble de l'aménagement d'un territoire qu'ils ont en partage et dont la cohérence vient de la diversité même. Une région, échelon naturel d'efficacité, d'équité et d'identité, dont le développement serait multipolaire et équilibré, permettant de rationaliser les déplacements, de développer l'emploi de proximité, d'assurer la sécurité et de mieux répartir la prospérité.

Au-delà des villes nouvelles de Delouvrier, Cergy, Saint-Quentin, Evry... voyons plus loin et envisageons la création de nouvelles éco-villes plus éloignées du centre de la région, pour que le dynamisme de l'Ile-de-France se diffuse aux territoires alentour.

C'est à travers la naissance d'une véritable identité francilienne qu'enfin nous mettrons un terme aux discriminations territoriales et sociales qui minent notre territoire. Parmi les décisions symboliques à envisager d'urgence : le tarif unique du pass Navigo, car il ne peut y avoir un Paris à deux vitesses, ou à deux tarifs, un pour ceux qui ont les moyens de vivre en petite couronne, et un pour les autres.

On y revient, le projet social du Grand Paris passera d'abord par la mobilité de ses habitants. Un Grand Paris, projet économique, projet politique, projet de société, à la fois local et national : c'est d'abord l'exigence d'une relation rénovée entre l'Etat et la région Ile-de-France.

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