La campagne de Paris

Publié le par Jean-Marie Le Guen

 Point de vue signé par Jean-Marie Le Guen, député de Paris,

Paru dans le quotidien LIBERATION  daté du 4 février 2005



En annonçant sans concertation l'implantation de deux nouveaux sites administratifs de grande ampleur dans Paris (le ministère des Affaires étrangères et le TGI), Jean-Pierre Raffarin n'a pas seulement rappelé aux Parisiens les méthodes détestables de l'équipe municipale précédente, il a aussi souligné l'absurdité de vouloir insérer dans le tissu dense et presque achevé des limites actuelles de Paris des fonctions et des symboles qui se rattachent pourtant à la capitale.


Alors que l'agglomération parisienne a la chance de constituer, par sa taille, la première métropole européenne, l'étroitesse des limites administratives de Paris en fait l'une des plus denses et des plus petites villes capitales. Ce déséquilibre entre la définition administrative et politique de Paris et la vie quotidienne, qu'elle soit économique ou sociale, de la métropole constitue, à l'évidence, un grave handicap pour le dynamisme, les solidarités, la vie démocratique de l'ensemble urbain. Où trouver en effet dans Paris l'espace pour développer des projets ? Comment mutualiser dans l'agglomération les richesses, notamment fiscales, et lutter contre les ghettos ? Comment le citoyen qui vit l'agglomération peut-il appréhender, dans les limites étriquées du découpage administratif actuel, un projet global qui engage son environnement urbain ?


Il y a déjà plus de dix ans, les socialistes parisiens réfléchissaient à la constitution d'un « Grand Paris ». Si riche que fût cette réflexion, imaginer que l'on puisse par une décision venue d'en haut redécouper les territoires administratifs et les fonctions politiques de la région parisienne paraît illusoire et, à certains égards, dangereux. C'est plutôt au niveau du terrain qu'il faut commencer à tisser les solidarités de fait que la vie réelle imposera. Déjà autour de Paris se constituent des communautés de communes qui montrent que l'intérêt collectif peut prendre le pas sur les querelles de clochers. Des politiques communes se mettent en œuvre, et l'on voit bien que les Jeux olympiques, qui cristallisent aujourd'hui l'ambition de Paris, ne sont possibles qu'avec le concours décisif de la Région et la coopération des communes périphériques.


Mais il faut hâter ce mouvement car l'intérêt général pâtit de voir s'accumuler ici richesse fiscale et suradministration et là pauvreté et sous-investissement public. Chacun de nous est victime de ces divisions anachroniques : la croissance vertigineuse des prix de l'immobilier et l'exclusion territoriale qui l'accompagne procèdent d'abord de l'insuffisance de la politique de logement, politique impossible quand on ne produit pas assez de « ville » au sens de territoires urbains aménagés, bénéficiant d'équipements publics.


Face à ces retards, l'Etat a un rôle décisif à jouer. François Mitterrand, hier, a eu la volonté de bousculer les conservatismes étriqués en imposant le déménagement du ministère des Finances du Louvre vers l'est de la capitale. Il a aussi installé le ministère de l'Equipement à La Défense, même si celui-ci ne s'est toujours pas complètement réalisé. C'est aujourd'hui ce mouvement qu'il faut amplifier en installant au-delà du périphérique mais toujours au cœur de la région capitale au moins deux ministères de fonction régalienne, à la fois symbole et force d'attraction. C'est ainsi que l'Etat inscrira le nouvel horizon de la capitale et permettra à l'aménagement de la métropole de faire un saut décisif.


Mais le seul aménagement de la région n'est pas en cause, en bougeant les ministères on répondra aussi au besoin ardent de les moderniser. En quittant le quai d'Orsay, le ministère des Affaires étrangères recherche une fonctionnalité qui corresponde au renouveau de son action. Lorsque l'on regarde les Etats-Unis, personne ne pense que le Pentagone a déchu parce qu'il a franchi le Potomac.

Le développement de la qualité de la vie dans l'agglomération comme sa compétitivité internationale justifient des actions fortes qui bousculent les petites habitudes. Ainsi il est possible de rendre à Paris une souplesse d'aménagement et un espace auxquels aspirent ses habitants, tout en relançant une ambition pour l'aménagement de la région capitale. La maxime de Sénèque que citait Paul Delouvrier il y a quarante ans en exergue du schéma directeur d'aménagement et d'urbanisme de la région parisienne reste plus que jamais d'actualité : « Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que l'on n'ose pas, c'est parce que l'on n'ose pas qu'elles sont difficiles. »

Publié dans Région Ile de France

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