Immobilier : les ministères agissent encore en « quasi-propriétaires »

Publié le par Association Grand Paris

Dans son rapport annuel sur l'immobilier de l'Etat, le député Yves Deniaud salue les efforts de Bercy pour rénover et rationaliser le patrimoine public. Mais il pointe les mauvais choix de la carte judiciaire et le dérapage du « Pentagone » à la française.

La rationalisation du patrimoine immobilier de l'Etat se heurte encore à la résistance farouche de certains ministères. C'est ce qui ressort du rapport annuel sur la « gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » que l'UMP Yves Deniaud doit publier en fin de semaine.  L'action du ministère du Budget n'est pas mise en cause : le rapporteur salue, au contraire, de réelles avancées. La mise en place de loyers budgétaires, l'accélération de la rénovation des bâtiments (169 millions d'euros l'an prochain), la cession des biens inutiles (900 millions) et le premier recensement du patrimoine des opérateurs (10,3 millions d'hectares) vont dans le bon sens. Mais les ministères et leurs opérateurs (musées, universités...) « marquent encore de fortes résistances à se voir déposséder de la maîtrise de leur parc immobilier  », estime Yves Deniaud.
« Tendance à s'affranchir »

C'est notamment le cas du ministère de la Justice, qui dispose à lui seul de deux agences immobilières ayant «  une fâcheuse tendance à s'affranchir de la discipline commune de la nouvelle politique immobilière de l'Etat », estime le rapporteur. Il en veut pour preuve le concours international lancé en 2006 pour construire le nouveau palais de justice de Paris sur le site de Tolbiac, pour un coût estimé de 800 millions d'euros, soit 13 fois plus que le projet finalement retenu des Batignolles (60 millions). Le rapporteur reste particulièrement choqué par le principe de « retour » aux ministères : quand un bâtiment est vendu, le produit de la cession revient à 65 % au ministère concerné. Seuls 15 % vont au désendettement de l'Etat, les 20 % restants étant redistribués aux ministères les moins biens lotis (Travail, Santé, etc.) pour financer leurs propres opérations. Ce système maintient les ministères «  dans une attitude de quasi-propriétaire en les laissant maîtres de leurs budgets d'investissement  ». Certes, le service France Domaine se prononce sur les opérations projetées par les ministères. Mais ce contrôle est «  en grande partie virtuel  », car les ministères effectuent souvent eux-mêmes l'étude de projet. Pour que «  soit réellement remplie la fonction d'Etat propriétaire  », le rapporteur demande donc que les recettes des cessions soient totalement mutualisées.

La rationalisation du patrimoine de l'Etat a beau être souhaitable, elle provoque aussi quelques ratés. La réforme de la carte judiciaire et la création d'un « Pentagone » à la française, à Balard, en constituent les deux principales illustrations. Le gouvernement a ainsi choisi de fermer le tribunal de Rochefort pour le rapprocher de celui de La Rochelle. Or le tribunal de Rochefort avait une activité importante en matière correctionnelle et avait récemment fait l'objet d'aménagements lourds. Installé dans la vieille ville, celui de La Rochelle ne pouvait pas, lui, accueillir les nouveaux services. Une nouvelle cité judiciaire a donc été construite à l'extérieur de la ville, pour un coût de 25 millions. Les mêmes incohérences ont été rapportées dans l'Isère, à Vienne.
« Perplexe »

Le projet de la Défense suscite encore plus d'inquiétudes. Le ministère prépare le regroupement, à l'horizon 2014, de l'ensemble des états-majors du ministère sur le site de Balard, dans le 15 e arrondissement de Paris. Le projet sera réalisé sur la base d'un partenariat public-privé, pour un investissement initial de 600 millions d'euros et une charge annuelle d'environ 100 millions pendant trente ans, soit 3 milliards au total ! Un coût important mais qui couvrira aussi les dépenses d'entretien, de restauration et de sécurité extérieure des bâtiments, indique Bercy. L'idée de faire appel à une société privée pour garder les militaires laisse « perplexe » , répond Yves Deniaud, pour des raisons de sécurité autant que financières.
LUCIE ROBEQUAIN, Les Echos 04/11/09

Publié dans Logement - Immobilier

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