Les futurs élus territoriaux au coeur d'une bataille politique

Publié le par Association Grand Paris

PRESSE I LEXPRESS I 23/09/09 Par Matthieu Deprieck, Victor Dhollande-Monnier

La réforme des collectivités territoriales devrait être abordée avant la fin de l'année, mais le texte est loin de faire l'unanimité. Les critiques se concentrent sur les conseillers territoriaux et particulièrement sur le mode de scrutin, jugé, par la gauche, complexe et partisan.

L'art de la rhétorique passe aussi par des phrases très courtes, des petits mots qui interpellent. Gérard Collomb, le maire PS de Lyon l'a bien compris en résumant cette réforme à un véritable "fric frac électoral".


Avec la réforme des collectivités territoriales, le nombre d'élus locaux pourrait diminuer.

Si la réforme des collectivités territoriales n'a pas encore été discutée, ni même votée, elle fait déjà débat. Dans son rapport qu'il a remis au président, Edouard Balladur a tracé les contours de cette réforme. Et l'ancien Premier ministre savait que la tâche serait des plus compliquées "puisqu'elle met en cause beaucoup d'intérêts et de pouvoir".

Principal objet de récriminations, le rapport département-région. Comme il était impensable -sans modifier la constitution- de supprimer le département, la commission Balladur a imaginé des "conseillers territoriaux", sorte de super-élus siégeant à la fois aux conseils général et régional.

L'idée d'abord battue en brèche par l'Assemblée des départements de France (ADF), et dans une moindre mesure par l'Association des régions de France (ARF), a fini par se faire accepter. Reste à déterminer leur mode d'élection.

Pour résoudre le problème, le gouvernement a déniché un vieux procédé datant de la IVe République: un scrutin uninominal à un tour dans les cantons (pour 80% des sièges) et une part de proportionelle (pour les 20% restants).

"Un bipartisme local"

Selon le politologue Laurent Dubois, "ce mode de scrutin risque de créer une sorte de bipartisme local, qui porterait atteinte au pluralisme électoral, car beaucoup de petits partis n'auront pas droit de cité avec ce type d'élection."

L'apparition d'une dose de proportionelle devrait pourtant rassurer les formations hors du bloc PS/UMP. Mais ce n'est pas le cas. Car, avec 20% de conseillers élus ainsi, leur nombre dans l'hémicycle sera famélique.

L'ancien Premier ministre Edouard Balladur pense que "cette réforme sera beaucoup plus difficile que celle de la Constitution".

AFP PHOTO ERIC FEFERBERG

L'ancien Premier ministre Edouard Balladur pense que "cette réforme sera beaucoup plus difficile que celle de la Constitution".

Prenons l'exemple d'un département où il faudrait élire 40 conseillers territoriaux. 8 d'entre eux passeraient à la proportionnelle, et 32 à l'uninominal à un tour. Pour le groupe de 32, le parti arrivé en tête remporterait une large partie des sièges. Les voix qui se seraient portées sur les candidats non élus seraient ensuite réparties proportionnellement pour aboutir à l'élection de 8 conseillers. En bref, les Verts, le Modem, ou les partis d'extrême-gauche et droite, ne peuvent espérer grapiller que quelques sièges.

L'introduction d'une dose de proportionnelle a pour objectif de séduire les petites formations, comme l'a expliqué Gérard Collomb à Brice Hortefeux, il y a quelques jours: "tu mets un uninominal sur des cantons qui n'existent pas et cela va profiter à la droite; et avec la proportionelle, tu appâtes les écolos et le MoDem."

Les socialistes perdraient "mécaniquement" des sièges?

Si le sénateur-maire PS de Lyon est persuadé que ce système profitera à la droite, c'est que l'UMP vient d'intégrer les chasseurs de Nihous et les conservateurs de De Villiers. Du coup, le bloc de droite part uni dès le premier tour et fait le plein de voix.

Un argument balayé par le sénateur-maire UMP de Perpignan, Jean-Paul Alduy, qui se veut même optimiste pour les socialistes: "Il n'y a pas de fatalité à la désunion de la gauche. Pourquoi la gauche partirait désunie dans 10 ans?". Avant de renchérir: "Chaque fois qu'on a changé le mode de scrutin, on s'est rendu compte que les alternances se produisaient toujours".

Gérard Collomb a, lui, fait ses petites additions et soustractions. Le résultat de cette opération électorale est clair: "Aujourd'hui, on a 4000 sièges de gauche et 2000 de droite. Si on suit le gouvernement, il faut diviser le nombre total par deux. Sur les 3000 restants, avec le mode de scrutin envisagé, on arriverait à environ 2000 de droite et 1000 de gauche. C'est mécanique."

Pour la réforme, la route est droite, mais la pente est forte

Les socialistes restent donc opposés à ce changement. "Le Président de la République et la droite au pouvoir organisent un mode scrutin à leur convenance personnelle", lance Christophe Borgel, secrétaire national du PS en charge des élections. "Cette réforme n'a qu'un seul but: engranger les conquêtes électorales que les élus refusent à l'UMP".

"Pour le PS, cette réforme vient piller le seul trésor de guerre qui leur reste", analyse Laurent Dubois. "Nicolas Sarkozy cherche à diviser pour mieux régner."

"Les élections européennes (qui se jouent à un tour, ndlr) ont été un succès pour l'UMP", ajoute le politologue Laurent Dubois. "C'est après ce scrutin que Jean-Pierre Raffarin aurait glissé au chef de l'Etat l'idée d'un scrutin uninominal".

Si le nouveau mode de scrutin pour les régionales ne devrait être discuté qu'en décembre, le PS a déjà lancé la bataille. Le "fric-frac" électoral n'est pas encore démêlé. On en est même loin, à en croire Christophe Borgel: "au sein même de la majorité, on trouve des opposants à cette réforme."


 
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